Al Hamdou lillaï ! Avec Monique, au Tchad, dites :
Gloire à Dieu ! Rendez grâce à Dieu !
Réjouissez-vous et priez sans cesse, en toutes choses, rendez grâce à Dieu ! Al Hamdou lillaï !
Relire ces 3 derniers mois, c’est reconnaître combien des vues bien humaines, à l’Européenne, peuvent être une « résistance » à la Main de Dieu… Mais comme Dieu nous conduit, Il arrivera à ses fins, peut-être par des chemins rudes, mais Il nous tient au creux de Sa Main !...
Mars 2013. Il y a 50 ans que je vis ma consécration dans la Communauté Saint-François-Xavier. Fêter mon Jubilé ? vraiment, non ! Les jeunes du Centre vont trouver que « je suis vieille », ils ont besoin de quelqu’un de dynamique comme directrice, alors « niet » ! Terminé !
Arrivent en juillet les 5 semaines de révisions, avec les joies et difficultés de chaque année, les moments passionnants, et les difficultés pour organiser l’an prochain… quand, la veille de la fête finale, le 2 août 2013, sans crier gare, en pleine nuit, alors que je suis restée seule à la maison, un neuro palud a failli m’emporter. Il a fallu la ténacité de Fidèle, Allarassem et Micheline pour me tirer du lit, m’emmener à l’hôpital… et me veiller pendant 8 jours. J’ai vécu ce que vivent des millions d’Africains, l’hôpital.
Or Micheline m’attaque de nouveau : « Ma Sœur, et le Jubilé ? » Franchement, cette affaire était bien classée ! Mais la fermeté de Micheline, assez surprenante, m’a fait penser que « ce ne serait pas gentil de ne pas fêter… » Alors, j’ai cédé, et doucement l’idée de « fêter mon Jubilé » a pris corps ! Le cerveau marchait très bien et commençait à galoper…
Septembre 2013. Il me fallait voir l’Archevêque pour lui parler du Centre, j’en ai profité pour lui dire un mot du jubilé. Franchement touché, Mgr Ngarteri me dit : « ça, c’est une Histoire d’Eglise ! Allez voir le curé de votre paroisse ! » Ce fut donc la seconde et urgente démarche : trouver la date, le mode… Fin octobre, c’est la fête paroissiale et à ce moment là, nous avons des élèves depuis un mois, assez de temps pour leur parler. Les choses devenaient un peu plus apostoliques.
Nous avions déjà 160 jeunes inscrits au Centre. Il était possible de les sensibiliser, en commençant par le mot « jubilé » dans la Bible. Mais à chaque rencontre ce qui aida à capter le public, ce fut d’abord l’apprentissage du chant : « Réjouissez-vous ! », chaque couplet étant coupé par le cri de louange en arabe : « Al Hamdou Lillaï ! » Gloire à Dieu ! expression qui revient très souvent chez les musulmans. Ce fut toujours notre désir, au Centre, que de nous adresser à tous, d'expliquer les fêtes musulmanes devant les chrétiens, nous sortions de la Tabaski, et aux musulmans, les fêtes chrétiennes, la Toussaint arrivait. Oui, ce chant de louange fit l’unanimité, et dans une grande joie !
Et moi d’expliquer : 50 ans de vie donnée à Dieu, après un appel, un envoi, et, cette année, 25 ans au Tchad : tous ces chiffres les touchèrent beaucoup et suscitèrent leurs applaudissements. Ce fut alors une belle occasion de leur raconter l’histoire du Centre, avec le choix du nom d’ « Emmanuel », et la Main de Dieu généreuse avec la venue de Fidèle depuis 23 ans, passant de gardien à responsable d’entretien, et maintenant surveillant général, puis avec l’arrivée de Micheline, après maints essais de secrétaires tapant avec un doigt, celle de Michaël, notre bibliothécaire dont on fêtera les 20 ans au Centre l’an prochain ! La Main de Dieu s’occupant de rebâtir le bâtiment où ils se trouvaient, fournir les livres nécessaires, et puis avec l’arrivée des animateurs...
27 octobre 2013, le Jubilé arriva ! La réalisation de tous les préparatifs pouvaient maintenant avoir lieu. Micheline m’avait servi de « conseillère », me faisant apporter « ma tenue »… Un pagne, rapporté de Guinée par un ancien avait été coupé, brodé, et jamais utilisé, les occasions de pareil usage sont inexistantes (en 25 ans, aucun autre cadeau de ce genre, tellement la pauvreté ici est grande). La tenue attendait.
Et peu à peu, dans la cour du Centre, je vis chacun revêtir « la tenue de la fête », un pagne bleu aux reflets bleu canard, et des oiseaux blancs voltigeant parmi des fleurs blanches : incroyable, et un superbe ensemble ! Ce fut une eucharistie joyeuse mais aussi très recueillie. Notre curé tient aux temps de recueillement et à la batterie présente, mais pas tonitruante. Il était entendu que je devais adresser un témoignage après la Communion, je souhaitais m’adresser aux jeunes, leur lançant un appel à construire leur Eglise du Tchad, en s’appuyant sur la Fidélité de Dieu. Je sais que certains ont peur de ne pas arriver jusqu’au bout de leur fidélité.
A la fin de la messe ce furent de joyeuses rencontres avec des paroissiens et déjà des anciens qui savaient par les communiqués radio qu’un pot leur serait offert. Et bientôt, dans notre salle de projection, je pus voir bien des garçons et des filles des années 93, 94, pas revus depuis ce temps là ! J’ai beaucoup pensé à mes soeurs Bénédicte, Marie-Claire, Marie-Thérèse, qui les ont tant aidés, ainsi que tous les coopérants DCC !
Mais cette fois, il fallait « écouter » car certains des témoignages avaient été préparés. Ce fut alors le tour d’Allamine :
- « Je suis ingénieur TP ! J’ai construit la route de Moundou à Sahr. Aujourd’hui, après 10 ans de travail je reconstruis le boulevard principal de N’Djaména. …La devise de notre centre m’a toujours servi de phare : « Non pas se servir… et tout l’auditoire de continuer en chœur… MAIS SERVIR ! » Eh bien, ce matin, je ne suis pas venu avec une grosse voiture, mais avec ma simple moto ! Mon seul désir, servir mon pays… »
- « Je suis professeur, et quand, parlant avec un collègue, je m’appuie contre un mur, j’entends en moi : « Paul, s’il te plaît, ta main ! …et tout l’auditoire de continuer en chœur… ce n’est pas toi qui soutiens le Centre, mais Lui qui te soutient ! »
- « Je travaille dans un entrepôt du P.A.M dans l’est du pays. Peu de temps après mon arrivée, on m’a dit : « Jeune homme, votre rigueur fait plaisir, elle est toute à l’honneur de votre famille… » et moi de continuer, « ma famille que fut le Centre Emmanuel !
Le soir, un voisin, présent à la Messe du matin, tapa à notre porte : « Je viens prier avec vous pour dire à Dieu toute ma joie ! » Ne pas vouloir fêter un Jubilé ? Cela aurait été bien bizarre et amer pour tous nos amis tchadiens, et une belle occasion manquée que de ne pas rendre grâce à Dieu pour tant de Fidélité et Merveilles de sa part, malgré bien des infidélités. Mais « Dieu passe son temps à rattraper les mailles que nous laissons filer ! » Jubilons donc !
N’Djaména, le 1er novembre 2013
Monique
