« La vie attire comme la joie »
Prêtre depuis l'an 2000, j'ai eu plusieurs occasions de découvrir la richesse de la Communauté St François-Xavier. D'abord comme séminariste au contact de professeurs, puis comme formateur en envoyant des séminaristes au Centre Emmanuel, à N’djaména au Tchad ou pour un mois de service en Tunisie, enfin comme curé par une collaboration fructueuse avec l'école Charles-Péguy.
Ami de la tradition ignatienne, je retrouve invariablement dans cette collaboration les primats de la liberté, de l'écoute mutuelle et un véritable sens de l'absolu.
On oppose parfois l'absolu au contingent. L'absolu serait synonyme de « granitique ». L'absolu au contraire confère à l'ami de l'époux une audace et une inventivité très précieuse qui discerne dans le contingent de l'histoire les occasions discrètes de l'Esprit. C'est cet absolu, me semble-t-il, qui a inspiré la « laïcité féconde » vécue à Charles-Péguy, école missionnaire.
On oppose parfois l'absolu avec le profane. L'absolu aurait besoin de crier sa différence avec le profane par des moyens eux-mêmes profanes. Le choix d'une certaine sobriété des formes et le choix réfléchi de ne pas porter l'habit sont un moyen d'évangéliser notre rapport à l'extériorité. Dans le règne des marques et des cadres identitaires, la pudeur du vêtement rencontre celle de l'esprit. La vision chrétienne de l'homme n'est alors plus une abstraction : elle se transmet par osmose.
On oppose parfois l'absolu au relatif. C'est certain. Mais relatif ne veut pas dire relativiste. La présence de la Communauté notamment au Tchad souligne l'aspect décisif de la rencontre, ou encore l'aspect relatif de notre pensée à notre écosystème, à notre culture, à notre langage symbolique. La rencontre de communautés chrétiennes dans d'autres systèmes, ne relativise jamais notre foi personnelle, au contraire. Elle enrichit l'expression de son évidence : elle renforce le sentiment chrétien de l'absolu.
Cette signification de l'absolu me paraît être un apport fondamental pour libérer les chrétiens de la peur commune. Nous ne sommes plus à l'époque des bandits de grands chemins et pourtant l'insécurité sociale et économique réveille toujours des terreurs qui rendent l'homme superstitieux, ou fanatiques. Comme disait Saint Justin, « nous sommes athées de ces faux dieux ». Merci à la Communauté de former des vivants. « La vie attire comme la joie. » (Card. H. de Lubac)
P. Roger Tardy, Curé de Saint-Denys du Saint-Sacrement
