Communauté apostolique Saint-François-Xavier

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Témoignage de Marguerite Cristofoli

lilasLa joie de l'Amour

Dès les premiers jours de septembre 1944, mon père a dit : « Je vais aller voir si nous pouvons rentrer »
Rentrer ?
Oui, parce que nous étions partis dans le courant du mois de juin. Nous avions fui les bombardements intenses en terre normande, l’affrontement de la bataille, le désarroi général, la panique, et il fallait protéger la future mère, ma sœur, et le bébé à naître.
Après avoir emprunté plusieurs moyens de locomotion, mon père et moi, sommes arrivés « chez nous » où nous attendent des murs éventrés, des fenêtres aux yeux crevés, un toit effondré. Symboliquement, pour reprendre possession de la maison, nous parcourons toutes les pièces, parlant à voix basse, peut-être même, marchant sur la pointe des pieds. Il ne faut pas réveiller l’ombre de ceux qui sont morts ici, ni faire surgir le spectre de tous ceux qui mourront demain, plus loin, dans l’impitoyable bataille.

Dehors, dans le jardin, le silence est absolu. Toute trace de vie a disparu. Pas une feuille aux arbres, pas un chant d’oiseau : un monde minéral, glaçant.
lilas 1Dans sa bonté, le Créateur aura pitié de ses créatures, au mois d’octobre, méprisant le rythme des saisons, les lilas seront en fleurs.
Dans un tel dépouillement, il faut rester debout. Le malheur a essayé de nous abattre, il nous a simplement lavé les yeux. Nous comprenions que ce ne sont pas les objets qui rendent heureux : l’affranchissement total des biens matériels ouvre le chemin du vrai bonheur. Nous avons subi un grand malheur, mais nous ne sommes pas malheureux.
La terre normande a vécu une seconde libération, une libération spirituelle.
Un état de grâce a suivi la tempête. Nous sentons que nous sommes vivants, que nous aurons le bonheur de recommencer, de renaître.
Pour ne pas entacher cette pureté originelle, il faut rester éveillés et répondre à l’exigence du choix. La force de l’amitié et de l’amour est une source d’inventions, d’innovations. Nous n’avons plus rien, mais ce que nous possédons est à la disposition de celui qui en a besoin. Les ‘pratiques collaboratives’ sont créées sans le savoir : le covoiturage, le prêt, les échanges, le service rendu, le temps donné. On ne pouvait pas être heureux sans partager.
Aujourd’hui le temps a passé. Les générations se succèdent. Les vieilles habitudes reviennent. On oublie la joie, unique, de l’amour. Pour combler le vide on s’entoure de biens matériels, on accumule des objets à ne pas savoir quoi en faire, sans aucun souci du frère qui n’a rien ou de la destruction de la planète sur laquelle nos pieds reposent.
Après de nombreuses années d’insatisfaction, un vent d’angoisse se lève, nous prenons conscience de notre marche accélérée vers le précipice. Les yeux s’ouvrent à nouveau et vont observer ce qui se fait ailleurs, pourquoi ? comment ? Progressivement, la communauté humaine retrouve le sens de la solidarité, de la gratuité, de l’entraide fraternelle, de l’amour du prochain.
Libérées de l’inconsistance du temporel, grandes ouvertes, les mains se tendent pour accueillir et donner.
Serions-nous en train de découvrir le secret du bonheur ?
Écoutons le Pape François : « Ne nous laissons pas voler la joie de l’amour. »

Marguerite Cristofoli

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